Tengo Dosso

Samedi 3 novembre

C’est la visite au village !

Vers 8 heures tout le monde est prêt, les 2 Range sont dans la cour et nous quittons la mission pour Tengo Dosso à quelques kilomètres de Bobo Dioulasso – j’adore ce nom – De nouveau nous affrontons la piste et on se rend vite compte que la saison des pluies n’était pas si loin que ça. De grosses ravines, des trous profonds obligent les voitures à quelques acrobaties certainement impossibles avec des véhicules normaux.

Sur la hauteur, quelques arbres et une bâtisse en dur , l’espace est dégagé autour. Sous les arbres une bonne vingtaine de silhouettes assises nous attendent. Forces salutations, « Bonne arrivée », c’est le bonjour et le bienvenue du Burkina ! Il faut saluer tout le monde, de grands sourires accompagnent ces saluts, on sent une véritable ferveur. Le bâtiment en dur a été construit par les soins de l’association TBE (Touraine Burkina Echange) – c’est la maison des femmes pour le village de Tengo Dosso. Une simple bâtisse en dur mais quelle bâtisse ! L’intérieur est simple et pourvu de tables et de bancs comme à l’école. Un groupe de femmes joyeuses l’occupe et l’une d’entre elle à l’aide d’un bâton suit des syllabes sur un tableau vert et les énonce fièrement. Jean-François, le spécialiste de la langue Bobo qui est une langue essentiellement orale a retranscrit tous les sons, et a traduit tous ces sons en syllabes sur ce tableau. C’est un travail dantesque, et les femmes expriment leur fierté de pouvoir s’approprier maintenant ces syllabes et de pouvoir aussi les écrire. Danièle, Nicole et Jacqueline savourent ces instants, c’est un peu de leur travail qui est récompensé là ! Moi, je suis admiratif du travail réalisé et de la performance de ces femmes sortant de l’illettrisme dans lequel reste encore 80% des femmes burkinabé.

Puis on nous invite à rejoindre un autre groupe sous l’arbre à palabre que des femmes ont nettoyé avec des machettes et des dabas, sorte de pioche servant d’outil de base des travailleurs de la terre. On nous amène des chaises, puis des bancs. Des anciens se sont déjà installé puis les femmes arrivent se mettant plus au centre. Ce sont elles qui honorent aujourd’hui. Mais nous sommes les invités de marque et cela fait 6 têtes blanches parmi une bonne centaine de têtes noires dont certaines ne laisseront deviner que leurs silhouettes en contrejour, mais affichant souvent un large sourire de dents blanches. Discours du chef de village traduit par Jean-François nous remerciant de l’action entreprise par l’association, évoquant l’honneur qui est fait aux femmes de pouvoir s’instruire et nous invitant à poursuivre cette action. Discours ensuite de la présidente de l’association des femmes du village qui reprend les mêmes thèmes et qui ne cache pas sa joie de nous recevoir. Les sourires, les applaudissements fusent.

Jacqueline, la présidente de Touraine Burkina Echange se doit de répondre. Jean-François faisant la transition et met de l’humour  dans sa retranscription ce qui fait rire beaucoup les villageois. L’ambiance est au beau fixe. Des gamins errent parmi les femmes rassemblées. L’une d’elles continue de nourrir son enfant au sein au milieu de tous.

Puis viennent les cadeaux du village, de grandes corbeilles en vannerie locale – ce sont elles qui ont fait aussi ces vanneries – remplies de cacahouètes  non grillées, puis un van, sorte de corbeille très plate qui leur sert à vanner leur céréales en faisant glisser leur contenu au-dessus d’un autre récipient, laissant le vent emporter les impuretés. Et un outil en bois pour brasser le tô, grande cuiller en bois brut, et un « flelou » un fouet en bois pour touiller les sauces. Et pour couronner le tout, un superbe coq vivant. Rires de toute l’assemblée voyant notre embarras devant ce cadeau certainement très important pour eux.

On ne sait plus trop quelle heure il est, ça n’a pas d’importance, on se sent bien, en pays ami au milieu d’amis chers. Chacun se rencontre, certaines femmes parlent un peu le français et viennent échanger avec nous.

On ne sait pas quelle heure il peut être, mais c’est surtout l’heure du « Dolo ». La bière locale à base de mil germé chauffé puis enrichie avec de la levure de bière et laissée à macérer pendant un minimum de 3 jours en jerrican. Les calebasses circulent parmi les villageois. À ce moment-là, les femmes nous amènent des soupières fumantes et les disposent à nos pieds. C’est le tô, le fameux tô dont je parlais un peu plus avant. C’est indéfinissable, ça ressemble à de la colle de papier peint laissée durcir un peu. Il faut en prendre un morceau avec 3 doigts de la main droite et l’imbiber de sauce à l’oseille sauvage, il y en a 2, une étant plus forte que l’autre. La sauce apporte du goût au tô sinon ça n’a pas trop de goût. Dans une quatrième soupière c’est du porc en sauce, c’est assez gras. J’en prends directement un morceau ruisselant et chaud et je mords sans me soucier dedans pour arracher de la viande. Hum !c’est dur !quand je regarde le morceau de porc dans lequel j’ai mordu, il y a des dents !c’est un morceau de mâchoire avec quelques dents encore accrochées. J’escamote assez vite et discrètement l’os et sa viande pour me contenter de reprendre un peu de tô et de sauce à l’oseille.

L’assemblée des femmes et des hommes du village rient de bon cœur !ce n’est pas à cause de moi quand même !Non, je regarde Gilles en face moi qui me regarde un peu effaré : « Qu’est-ce qui se passe ? », « Qu’est-ce que j’ai fait ? »

La suite demain !